L’enfer fiscal

Jean-Michel Goulet
3 min readMar 8, 2024

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Tremblez compatriotes, car vous vivez dans le pire endroit au monde, là où le méchant État québécois vous taxe et vous impose… pour vous fournir le plus gros panier de services du continent!

Photo : Maxwell Hamilton / License : CC BY 2.0

Évidemment, on peut critiquer la gestion de ce panier, mais j’estime que la solution n’est pas automatiquement le privé qui lui, contrairement au public, doit faire des profits. Plusieurs arguent que c’est l’incitatif nécessaire pour être efficace. C’est le cas dans certains secteurs mais pour d’autres, les intérêts des actionnaires sont incompatibles avec le bien commun. On peut également critiquer la taille du panier, mais encore faut-il être honnête dans cette comparaison.

La ruse utilisée pour affirmer que nous vivons dans un « enfer fiscal », c’est de nous comparer uniquement avec les États du Canada et des États-Unis. Avec cet étalon de comparaison, le Québec se classe invariablement comme étant le plus imposé en Amérique du Nord. C’est vrai, mais ceux qui critiquent notre niveau d’imposition ne parlent jamais des services que nous recevons en échange ou quand ils le font, c’est pour mettre l’accent sur les échecs. Ils ne disent pas un mot non plus sur les bénéfices de vivre dans une société avec un taux de pauvreté inférieur, un meilleur filet social ou des chances de réussite mieux distribuées. Mais là n’est pas mon point aujourd’hui. Le problème, c’est qu’on nous compare uniquement avec un échantillon qui permet d’appuyer le narratif de l’enfer fiscal. Pour être de bonne foi, une comparaison avec les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) serait plus juste.

La Chaire en fiscalité et en finances publiques (CFFP) fait un bilan annuel pour calculer le taux de « pression fiscale ». Le calcul est le suivant : elle additionne les taxes, les impôts et les cotisations pour l’ensemble des administration publiques et elle divise la somme par la taille de l’économie (le PIB). En 2019, notre « pression fiscale » était de 38,9 % de notre PIB. Ce taux était de 5 % supérieure à la moyenne de l’OCDE (33,9 %). Par rapport aux 37 pays de ce groupe, le Québec arrivait au 11e rang, entre le Luxembourg (39,2 %) et l’Allemagne (38,8 %).

Note : Les nombres entre parenthèses indiquent le rang à l’OCDE pour le PIB par habitant ($ PPA) en 2019. Sources : CFFP et OCDE.

Bref, en nous comparant aux pays développés, nous ne sommes plus les plus imposés, mais les onzièmes. Ce sera encore trop pour certains — qui ont droit à leur opinion sur la taille optimale d’un État, c’est un débat — mais admettons que le narratif de l’enfer fiscal ne tient plus la route. En passant, parmi ces dix pays, cinq faisaient parti des dix plus riches à l’OCDE selon le PIB par habitant ($ PPA). Donc non, l’impôt élevé n’est pas synonyme de pauvreté. Un autre mythe qui tombe!

(Texte rédigé le 18 décembre 2022 pour le magazine OUI Je le veux!)

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